Balade à Bel Air

Publié le par AN LEBON

 

Balade à Bel Air

 

Vidéo :  http://dai.ly/fyX8ci

            Il arrive un moment où il faut savoir décrocher d’un rythme élevé dans une activité, y compris celle qui touche aux loisirs ou à la santé, question de souffler un peu, de prendre du recul, de regarder cet investissement jugé important d’un autre œil et de redonner de la consistance à une motivation. Faire durablement ce que l’on aime.

            Après les randonnées haute qualité que sont « Kala », Maïdo Roche Plate-aller retour, La Grande Chaloupe Saint-Denis par le Colorado, il nous fallait bien une bonne petite balade, sans difficulté, sans appréhension au départ, en terrain connu, où les marcheurs restent ensemble sur tous les secteurs du parcours quelle que soit la capacité des uns et des autres, pour mieux regarder tout l’environnement, échanger sur tous les sujets qui émergent au gré des conversations. Chacun a tout le loisir d’apporter ses contributions, mais sans qu’il y ait de grands exposés ; un peu plus qu’un bavardage sur les mots ; mais pas de mots définitifs, de logiques incontournables, de démonstrations complètes, mais des réactions sur des signes. Et en n’oubliant pas quand même que l’on ne connaît vraiment que ce que l’on pratique régulièrement. Sans cherche à balader l’autre, mais où aussi la fantaisie et le besoin de sortir du sérieux ont leur place !

            Le Président de notre association non déclarée, « Les Gramounes dans la nature » et la « capitaine de marche » plus qu’expérimentée que nous avons la chance d’avoir nous avaient concocté un beau parcours entre Bel Air et Bèllemène les Hauts, et nous avaient prévenus que la durée de cette marche ne pouvait quand même pas descendre au-dessous de 5 heures, un temps indispensable à utiliser avant de se présenter à la table d’un gîte. La plupart des marcheurs, le plus naturellement du monde, avaient fait de ce repas la partie essentielle de la sortie, sans doute la bonne ambiance, à Dos d’Ane dans un restaurant de même type après la dure épreuve de « Kala », était-elle pour quelque chose. Pourquoi ne pas renouveler ce qui fait plaisir ?

            Il était un peu plus de 6 heures quand nous avions quitté notre point de départ habituel, les « Sangs Dragons », à Bois de Nèfles Saint-Paul, en direction du Bel Air, par le Chemin Lebot. Ce chemin monte en serpentant dans les champs de canne, et donc sans forte pente – de toute façon, potentiellement, l’énergie à mettre en œuvre pour gravir une dénivellation est la même quel que soit le chemin emprunté. Petite allure, marcheurs groupés qui parlent de tout et de rien ; bien entendu, plusieurs conversations dans le groupe, et c’est un camion de ramassage des ordures qui va dans le même sens que nous et que l’on doit laisser passer compte tenu de l’étroitesse de la voie qui a déclenché une réaction unanime : Il faut espérer qu’il va ramener les ordures du dépôt sauvage qui prospère un peu plus haut ! Qu’il emporte au moins les sacs déposés autour des encombrants plus lourds, genre châssis rouillé de voiture qui trône dans un virage avant d’arriver au Bel Air ! Un espoir déçu : le camion est vite redescendu ; peut-être ne dessert-il que les quelques habitations qui sont dans la partie basse du chemin Lebot ?

            Que faire ? Dans un tel débat, les partisans de solutions radicales et immédiates assurent pouvoir résoudre le problème par de rapides et lourdes sanctions ; les plus réalistes, sachant que la mise en place d’un tel système demanderait beaucoup d’argent (et donc des impôts supplémentaires) pour une efficacité limitée, misent davantage sur une éducation de plusieurs générations, et insistent par exemple sur l’approfondissement de l’éducation à l’environnement faite à l’école primaire. Une synthèse entre ces deux tendances peut être ? Un débat qui a continué, plus sur le constat, à la vue de différents dépôts d’ordures sauvages, et sur les conséquences négatives quant au développement du tourisme par l’arrivée de nouveaux visiteurs très exigeants sur la propreté des chemins et sentiers qui mènent aux pitons et aux remparts de la Réunion.

            Une fois à Bel Air, nous avons emprunté le chemin des Barrières, et dans une ravine nous avons pu admirer sur des bambous des béliers, ces oiseaux tisserands qui ne cessent d’impressionner par leur virtuosité à construire leurs nids au bout d’une toute petite branche. Ils donnaient l’impression de lutter contre le temps ; sans doute savaient-ils que cette année ils seraient épargnés par les vents cycloniques et par conséquent qu’ils pouvaient relancer la période de ponte alors que nous sommes en plein été et que nous entrons de plain-pied dans la période où la probabilité d’approche d’un cyclone est forte (fin janvier, et février). Il aurait fallu qu’il y eût parmi nous un connaisseur de ces oiseaux pour mieux camper ces idées. Il semble bien en effet que la plupart des autres oiseaux (la tourterelle « péi » certainement, mais pas le martin) aient terminé leur période de ponte et d’élevage des oisillons, ils attendent la fin de l’été austral pour reprendre un nouveau cycle.

            Puis nous avons remonté l’ancien chemin Lebreton ; aujourd’hui, c’est une belle et large voie bétonnée – merci l’Europe ! Mais l’Europe, c’est nous ! – qui traverse des champs de canne dont les premières pousses depuis la dernière coupe sont bien reparties grâce aux premières pluies d’été. Ici, la diversification des cultures joue aussi son rôle : des plantations d’ananas ne vont pas tarder à entrer en production, et diverses petites cultures vivrières témoignent de la volonté des planteurs de varier leurs sources de revenus – il est bon aussi de ramener des fruits et des légumes directement des champs à la maison, c’est bien une caractéristique du monde rural.

La présence abondante sur les bas-côtés de trèfle à 4 folioles a retenu l’attention de certaines marcheuses qui ont vite communiqué leur étonnement et leur passion aux autres. Ce ne sont pas quelques exemplaires censés porter bonheur qui ont été découverts, mais les bas-côtés de la route étaient carrément remplis des plantes à feuillages quadrifoliés. S’agissait-il vraiment du trèfle (le trifolium) ou étions-nous en présence d’une variété avec une vague parenté avec le trèfle ? Un « quadrifolium » ? En tout cas sans que de savantes explications botaniques fussent étalées, la comparaison avec la trifoliée fut faite, côté feuille et côté fleur. Les plus sérieux et les plus curieux pourront toujours creuser la question auprès des spécialistes.

Ce n’est que sur le haut de ce chemin que l’on fit une vraie pause, avec comme d’habitude les échange de fruits secs, chocolats et petits gâteaux, les yeux rivés sur les paysages du littoral, et particulièrement sur la zone commerciale et industrielle de Cambaie orientée ici sous un angle qui fait que la large voie qui la traverse, et par où devait passer le tram-train, une opération stoppée en raison de la défaite aux dernières régionales de la majorité sortante qui l’avait initiée, faisait penser à une piste d’atterrissage pour gros porteurs.

Et puis, nous sommes passés de la terre à la mer, car, à cette altitude, on n’échappe pas à l’interpellation de cette immensité qu’est la mer et qui est constamment sous notre regard, cette insondable étendue d’eau qui semble nous attendre. Bien entendu, des questionnements ont été lancés, et qui touchaient plus aux relations que les Réunionnais ont eues avec la mer et qui ont quelque peu évolué. Pas de réponses exhaustives, mais des rappels du vécu : La Réunion est un pays montagneux qui n’est pas tourné vers la mer ; autrefois, le mot plage n’était pratiquement pas connu : on allait à la mer mais pas à la plage, et on y ramenait même de quoi se fabriquer un peu de sel ; pendant la dernière guerre, et même pendant les quelques années qui l’ont suivie, l’île vivait en autarcie parce que coupée des ravitaillements, les gens des Hauts guettaient l’arrivée de bateaux, signe d’un approvisionnement de l’île en certains articles de première nécessité que l’on ne trouvait plus ici ; on a connu une période où les jeunes allaient à la plage uniquement en hiver, alors qu’aujourd’hui tout le monde y va et toute l’année, et même pour y fêter en famille avec toute une logistique domestique des grands événements du calendrier. Malgré tout, il semble que la population dans son ensemble ne se soit pas encore approprié la mer.

            Arrivés au chemin FEOGA2, nous avons pris la direction de la route du Guillaume, la route forestière qui mène à Maïdo. Mais avant d’y être l’intérêt pour les uns se portait alors sur les fonds de ravines où malheureusement règne la vigne maronne, et encore sur la présence de petits dépôts d’ordures, tandis que d’autres en regardant le ciel s’intéressaient à la Lune bien visible à cette heure et qui était en ce mercredi 26 janvier 2 011 au dernier quartier. L’astre présentait aux terriens une presque demi-sphère par un ciel clair. Des questions sont restées sans réponse, car si l’on n’est pas un praticien en astronomie et que si l’on n’entretient pas les notions essentielles s’y rattachant, il est difficile de réactiver en vitesse et avec sûreté certaines connaissances, d’autant que sur le sujet une simulation de la Lune satellite de la planète terre pendant qu’elle fait une rotation complète sur elle-même – ce qui fait que c’est toujours la même face qui est éclairée, d’où sa face cachée – n’est pas aisée sans visualisation concrète. Sans compter le positionnement du demi-disque, premier et dernier quartier : est-il le même selon que l’on se trouve dans l’hémisphère nord ou dans l’hémisphère sud ou encore à l’équateur ?

Pour ceux qui veulent approfondir la question, mais à condition de s’accrocher : Dans l’hémisphère Sud, le dernier quartier à la forme d’un demi-disque orienté comme un C ; et à l’équateur, le disque est couché à l’horizontal et tourné vers le haut. Et c’est l’inverse dans l’hémisphère nord où le demi-disque est un D. Pour plus de précisions, taper sur Google : quartiers de lune et repérage sur la Terre, et utiliser aussi le lien : http://www.ac-nice.fr/clea/lunap/htm...sesactiv4.html.

            Nous n’en sommes pas encore à demander à un marcheur de porter un tableau et des feutres – mais cela viendra peut-être…Une libre école pour des retraités en balade en pleine nature !

Et l’on est vite passé de l’astronomie à l’astrologie, simplement pour pointer un trait de l’actualité récente. Selon une étude, paraît-il sérieuse, un basculement avéré de l’axe de rotation d’une planète aurait une conséquence : par exemple, les vierges deviendraient des Lions, ce qui entraînerait une révision des horoscopes d’autant que nous sommes en début d’année. Heureusement que nous ne savons pas tout…D’où la nécessaire place au doute !

Et partant de ce doute, nous sommes arrivés à la magie des math et, par exemple les « bizarreries » du nombre 1/37 (la répétition du court segment 027 dans la suite décimale illimitée, alors que pour 1/47 le segment est constitué de 46 décimales). Simple contestation, l’explication est ardue. Pour ceux qui découvrent un intérêt aux jeux, énigmes et curiosités mathématiques, la consultation d’un livre d’André Jouette (un grammairien renommé, grand amateur des problèmes des nombres et de logique) s’impose.

            Dans la descente vers le Guillaume, aucune curiosité de la nature ne fit remonter de débat délicat. C’était un simple parcours de liaison pour arriver au rond-point, carrefour de la RF8 et de la RD3, ce qui n’a pas empêché des marcheurs de mettre en avant un ensemble de questions d’importance : La civilisation anglaise (Britannique !), par son rayonnement mondial, conserve-t-elle encore de bonnes perspectives ? Et dans le même fil : Comment se porte l’unité du peuple américain ces derniers temps, surtout depuis l’élection de Barack Obama ? La réponse d’un spécialiste : à la première question, le déclin – et il n’est pas impossible que naisse une civilisation australienne en Asie ; à la deuxième, des risques d’effritement compte tenu des difficultés à assurer un rôle de leadership mondial. Des échanges qui glissèrent ensuite vers une tentative de déboulonnage des grandes statues en littérature : Et si Shakespeare n’avait jamais existé ou du moins qu’il n’ait jamais écrit une seule ligne de ses chefs-d’œuvre ? Un peu comme Molière, une thèse qui cette fois peut apparaître solide : Il est pratiquement impossible d’être en même temps un écrivain grand créateur, un directeur acteur d’une troupe de théâtre, un coureur de femmes et un fêtard ! Le génie a peut-être à sa disposition plus de 24 heures par jour – la relativité du temps ? Non, mais c’est pour rire ! ; ils sont peut-être dans un autre système astronomique.

            Le repas se déroula dans une très bonne ambiance. D’autres amis, marcheurs ou pas, nous y avaient rejoints. En apéritif : Divers punchs, et un jus de fruits-maison, calés par des boulettes de carotte et des bonbons piments – il a manqué un punch fraîchement préparé comme à Dos d’Ane. À l’entrée, une laitue accompagnée d’une préparation de champignons et de sojas (protéines végétales), un ensemble diversement apprécié ; les carris (de poisson et de poulet) étaient convenables, arrosés de Bordeaux – à choisir, un Gigondas, des côtes du Rhône méridionales, eût été préférable ; le gâteau patate, original et bon ; et pour finir un grand café « coulé » que tout le monde ou presque a arrosé de rhum arrangé. Une partie du groupe, après un tel repas, a quand même décidé de rallier le Bois de Nèfles Saint-Paul à pied, une distance de 5 km environ qui a dû bien lancer la digestion de ces marcheurs invétérés !

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