Balade à La Nouvelle, par le col des Boeufs à Salazie

Publié le par AN LEBON

 

Balade à La Nouvelle, par le col des Boeufs à Salazie

 

            On est toujours gagnant à refaire une excursion réputée. C’est que les années passent et les souvenirs s’effacent toujours un peu avec le temps, et à y revenir, on approfondit ce qui a été auparavant, par certains aspects, un effleurement ; on rafraîchit les difficultés marquées hier – n’en parlons plus si les conditions climatiques ne sont pas celles que l’on a connues en ce lieu et que la marche d’aujourd’hui se déroule sous une fine pluie qui dure.

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Photo : Dans le paysage embrumé, une trouée de soleil met en valeur le Grand Bénard.

            Ce n’est pas un temps maussade, une petite farine qui persiste dans une atmosphère à 8 degrés de température, qui décourage les visiteurs de Mafate et particulièrement ceux qui vont à La Nouvelle ou à Marla. Les marcheurs sont des courageux, il n’y a qu’à voir le nombre important de voitures sur la parking au col de Boeufs (passage entre les cirques de Salazie et de Mafate) à 9 heure du matin, et l’allant de ceux qui se jettent dans cette froidure dès leur arrivée. Heureusement qu’il est possible de prendre sur place un thé ou un café bien chaud avant de s’élancer sur la route en terre qui mène au départ du sentier qui descend vers La Nouvelle. Pour ne pas décourager les visiteurs potentiels, il faut dire que le plus souvent dans l’année c’est dans un soleil éclatant que le paysage se baigne.

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Photo : Le Gros Morne, vu du sentier, dans la première partie de la descente.

            Même sous un brouillard qui cache les sommets des montagnes du cirque, le coup d’œil sur les environs est toujours intéressant : Une nature bien vivante, riche dans la première partie de la descente d’une multitude de petites plantes, où une vigilance de bon niveau doit être de mise pour ne pas glisser sur les marches des escaliers dans les parties vraiment abruptes et sur les pierres humides ; plus bas, presque sur un plateau, la forêt de tamarins des hauts est toujours bien fournie, et les arbres souvent tordus par le tourbillon des vents cycloniques sont superbement décorés de belles barbes de mousse – les boeufs qu’hier l’on devait contourner dans les clairières par précaution ne sont plus visibles, sans doute cantonnés dans des aires de pâturage bien délimitées et placées loin du sentier. Et pour ne pas décevoir le visiteur, la nature se plie quand même à ouvrir dans le ciel une fenêtre de soleil pour éclairer le Gros Morne sur la gauche, les Trois-Salazes au dessus du Taïbit et le sommet du Grand Bénard ; sans compter le petit oiseau tec tec qui accompagne le marcheur dans le sentier, habitué qu’il est à recevoir de ces humains qui foulent son territoire quelques petites boules de mie de pain, et qui virevolte dans leur entourage pour leur rappeler le bon geste à ne pas oublier. Même lorsque le temps n’est pas agréable, la nature se débrouille pour ne pas désespérer le visiteur.

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Photo : Dans la forêt de tamarins des hauts, une pause s’impose.

            Pour arriver à La Nouvelle – le village est situé bien plus bas – il faut descendre encore pas mal. Tout en étant un peu décalé, l’îlet est sur la rive droite de la rivière des Galets, qui prend naissance au pied du Gros Morne. Mais, sous une enveloppe de brouillard il n’est pas possible de retrouver des repères là-haut sur la ligne de rempart qui descend du Grand Bénard au Maïdo. À propos d’altitude : La Nouvelle est à quelque 600 m plus bas que le col des Boeufs, et à plus de 1 000m en dessous du rempart du Grand Bénard.

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Photo : Le village de La Nouvelle.

            Celui qui a connu le village, il y a 7 ans seulement, remarque vite les nouvelles constructions dont des gîtes d’accueil, des épiceries et des lieux pour se restaurer, se ravitailler avant de poursuivre la route, mais ces améliorations, pour incontournables qu’elles soient, n’ont pas été faites dans le cadre d’un aménagement organisé, rationnel. Fallait-il vraiment le faire quitte à ne pas respecter le naturel dans le cirque ? C’est tout un débat. En effet, une autre question se pose aussi : Où est le naturel si l’on n’intègre pas l’homme qui y a planté ses racines dans la nécessaire évolution vers le progrès ? Comme le village est en plein dans le parc national, il est sûr que tout est et restera encadré pour la préservation de ce patrimoine. D’autant que le nombre de concessions accordées par l’ONF (tout le foncier est sous la responsabilité de cet organisme d’État ; il n’y a pas de propriétés privées sur ce territoire) ne peut pas enfler démesurément. Mais qu’est-ce qu’il y a des situations humaines parfois complexes à gérer ? Les communications entre les services officiels et les Mafatais ne sont pas excellentes aujourd’hui ; il n’y a qu’à voir les protestations de toutes natures qui montent des différents îlets du cirque. Ça bouge partout à la Réunion dans le domaine de l’aménagement du territoire, et pourquoi pas aussi dans les cirques ?

            La remontée vers le col des Boeufs est une véritable épreuve physique pour peu qu’un élément du groupe se mette à entretenir une certaine allure ; une difficulté encore plus grande si le crachin se transforme en petite pluie qui finit par pénétrer sous les vêtements de protection, et par transformer certains passages du sentier en plaques glissantes surtout dans le finish où la pente est forte. Le fait de poser de tout son poids une chaussure un peu boueuse sur le tranchant d’une planche qui tient une marche d’escalier quelque peu affaissée peut faire chuter quelqu’un de haut, qui sera d’autant plus entraîné voire vrillé dans le mouvement que son sac à dos est lourd. De quoi tester la solidité de la carcasse du marcheur ! Et quelles que soient les performances lors de cette longue montée, c’est toujours avec bonheur que l’on arrive au sommet du col, un peu comme si l’on venait de remporter une belle victoire sur soi-même.

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